La construction du Four du Croisic (44)

 

 

Sans attendre les conclusions de la vaste enquête entreprise au lendemain de la période napoléonienne par la Commission des Phares et la présentation du programme général d'éclairage des côtes de France, le département des Ponts et Chaussées ne se borna pas à quelques améliorations locales par l'exécution de balises sur les écueils reconnus les plus dangereux : il réalisa aussi quelques phares très simples mais aussi le remarquable phare du Four à l'entrée de la Loire.

 

En 1816, la décision fut prise de construire en pleine mer, sur le rocher du Four, un phare destiné à porter un feu, bien que la politique générale d'équipement consistait alors à améliorer les établissements existants ou bien à utiliser des édifices en place et les couronner d'une lanterne (la tour du guet à Calais, la tour de Leuguenaer à Dunkerque, de la Chaume aux Sables-d'Olonne, celle de l'Aiguillon à Saint-Nazaire).

 

Dès 1810, l'ingénieur de Saint-Nazaire, Plantier, signalait cet écueil comme particulièrement dangereux pour la navigation, car situé sur la même latitude que l'entrée de la Loire.

 

"Combien de marins après avoir couru tous les dangers d'une longue et pénible navigation ont terminé leur voyage et leur vie sur ce fatal rocher. Cet écueil est celui de tous qu'il serait important de baliser". Cinq années plus tard la Chambre de Commerce de Nantes réclamait ardemment l'établissement de la tourelle envisagée car "l'écueil est le plus dangereux de l'entrée de la rivière et c'est le premier de tous qu'on aurait du signaler mais en l'indiquant en première ligne … On ne pouvait s'en occuper en temps de guerre avec l'Angleterre parce que les ouvriers pouvaient être inquiétés ou enlevés par l'ennemi". Avertie, la Direction Générale des Ponts et Chaussées décida de la construction et demanda conseil à la Commission des Phares qui approuva cette exécution. Elle chargea l'ingénieur Plantier de rédiger un projet et d'organiser le futur chantier. Pour ce faire il disposait des recommandations de son Directeur général qui prescrivait les dimensions de la tour. En fait, il s'agissait de la copie conforme des deux phares britanniques déjà érigés en mer, celui d'Eddystone et surtout celui de Bell-Rock.

 

L'adjudication pour la réalisation du phare du Four fut remportée par l'entreprise Dardel et Genton. La machine de rotation fut fournie par l'horloger Wagner de Paris, la lanterne par le constructeur Bertrand-Fourmaud et l'appareil d'éclairage, composé de 6 réflecteurs, par la compagnie Bordier-Marcet.

 

Cependant, dès l'allumage du phare, Beautemps-Beaupré entreprenait la reconnaissance hydrographique des lieux pour constater que la route jalonnée par ce feu ne présentait pas grand intérêt pour la navigation et que le choix du site reposait sur une pratique séculaire incongrue. Dans ces conditions le premier phare en mer français se trouvait dès son inauguration déclassé et l'on ne peut comprendre l'empressement de l'Administration à l'exécuter que par la volonté de prouver au monde maritime la puissance et l'ingéniosité française, la grande compétence du Corps des Ponts et Chaussées ou la puissance de la royauté retrouvée.