La
construction du Four du Croisic (44)
Sans attendre les conclusions de la vaste enquête entreprise au
lendemain de la période napoléonienne par la Commission des Phares et la
présentation du programme général d'éclairage des côtes de France, le
département des Ponts et Chaussées ne se borna pas à quelques améliorations
locales par l'exécution de balises sur les écueils reconnus les plus dangereux
: il réalisa aussi quelques phares très simples mais aussi le remarquable phare
du Four à l'entrée de la Loire.
En 1816, la décision fut prise de construire en pleine mer, sur
le rocher du Four, un phare destiné à porter un feu, bien que la politique
générale d'équipement consistait alors à améliorer les établissements existants
ou bien à utiliser des édifices en place et les couronner d'une lanterne (la
tour du guet à Calais, la tour de Leuguenaer à
Dunkerque, de la Chaume aux Sables-d'Olonne, celle de l'Aiguillon à
Saint-Nazaire).
Dès
"Combien de marins
après avoir couru tous les dangers d'une longue et pénible navigation ont
terminé leur voyage et leur vie sur ce fatal rocher. Cet écueil est celui de
tous qu'il serait important de baliser". Cinq années plus tard la
Chambre de Commerce de Nantes réclamait ardemment l'établissement de la
tourelle envisagée car "l'écueil est
le plus dangereux de l'entrée de la rivière et c'est le premier de tous qu'on
aurait du signaler mais en l'indiquant en première ligne … On ne pouvait s'en
occuper en temps de guerre avec l'Angleterre parce que les ouvriers pouvaient
être inquiétés ou enlevés par l'ennemi". Avertie, la Direction
Générale des Ponts et Chaussées décida de la construction et demanda conseil à
la Commission des Phares qui approuva cette exécution. Elle chargea l'ingénieur
Plantier de rédiger un projet et d'organiser le futur chantier. Pour ce faire
il disposait des recommandations de son Directeur général qui prescrivait les
dimensions de la tour. En fait, il s'agissait de la copie conforme des deux phares
britanniques déjà érigés en mer, celui d'Eddystone et
surtout celui de Bell-Rock.
L'adjudication pour la réalisation du phare du Four fut
remportée par l'entreprise Dardel et Genton. La machine de rotation fut fournie par l'horloger
Wagner de Paris, la lanterne par le constructeur Bertrand-Fourmaud
et l'appareil d'éclairage, composé de 6 réflecteurs, par la compagnie Bordier-Marcet.
Cependant, dès l'allumage du phare, Beautemps-Beaupré
entreprenait la reconnaissance hydrographique des lieux pour constater que la
route jalonnée par ce feu ne présentait pas grand intérêt pour la navigation et
que le choix du site reposait sur une pratique séculaire incongrue. Dans ces
conditions le premier phare en mer français se trouvait dès son inauguration
déclassé et l'on ne peut comprendre l'empressement de l'Administration à
l'exécuter que par la volonté de prouver au monde maritime la puissance et
l'ingéniosité française, la grande compétence du Corps des Ponts et Chaussées
ou la puissance de la royauté retrouvée.